Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article VIS MAJOR

VIS MAJOR.. Le mot vis, avec cette épithète et d'autres, divina, naturalis, désigne les cas de force majeure qui, dans différents contrats, ainsi dans le contrat de garde (custodia'), n'engagent pas la responsabilité de la personne qui a contracté l'obligation '. Telles sont les calamités imprévues, tempête, inondation, incendie, tremblement de terre, sédition [CULPA]. romain le mot vis signifie d'abord en général tout acte accompli contre la volonté d'une personne; c'est le sens qu'il a dans la formule de nombreux interdits, viné tien veto, ne vis flat ', pat laquelle le préteur assure d'avance sa protection à, la partie gagnante, contre tout acte contraire à sa sentence [INTERDICTUM]. Dans, le droit civil et pénal, avec les épithètes atrox, corporalis, il désigne à la fois la contrainte exercée sur la volonté d'autrui par la peur [SIE'rus] et les voies de fait, les violences en général'. La vis n'est naturellement' pas délictueuse en cas de légitime défense, ni au service d'un magistrat ou fonctionnaire, surtout militaire, VIS 928 VIS pour remplir ses fonctions '. Elle figure de bonne heure 2 parmi les trois vices essentiels de la possession (vi, clam, precario), qui font que quiconque possède dans ces conditions est réputé ne pas posséder à l'égard de la personne lésée, et qui justifient l'exceptio vitiosaepossessionis. De bonne heure le droit privé a cherché à réprimer la violence injuste et à en corriger les effets par les interdits possessoires et la restitutio in integrum ; le préteur a accordé aux détenteurs d'immeubles dépouillés par violence de leur possession, au moyen d'hommes soit sans armes (vis quotidiana), soit armés (vis armata), les interdits unde vi et de vi armata [INTERDiCTUM, p. 563] ; puis on posa la règle que tout acte de volonté, déterminé par la crainte 3, serait considéré comme non avenu et fonderait l'action quod metus causa et la RESTITUTIO IN INTEGRUM. Plus tard fut créé l'interdit quod vi aut clam [INTERDICTUM, p. 559]. Dans le droit pénal public et privé il n'y a eu pendant longtemps que des moyens de défense insuffisants, les poursuites tribuniciennes contre les violences des magistrats. C'est seulement par les mesures prises en 78-76, après la révolte de Lepidus, pour mettre fin aux brigandages de toutes sortes, que le délit de violence fut spécialement atteint. On créa deux actions pénales contre toutes les atteintes à la paix publique commises en bandes. D'une part, en 78 ou 77, l'édit du préteur M. Terentius Varro Lucullus crée le délit privé de rapina pour les objets mobiliers et l'action pénale privée vi bonorum raptorum [RAPINA]. D'autre part, en 77 ou 76, apparaît la loi Plautia de vi 4, probablement présentée par le tribun M. Plautius Silvanus et qu'on peut vraisemblablement 5 identifier avec la loi sur la mème matière attribuée par Cicéron 6 à Q. Catulus et avec la loi qui, après la mort de Lepidus, amnistia ses partisans pour rétablir la concorde'. Elle est appliquée plusieurs fois, à la fin de la République, contre Catilina et ses complices 8, contre Milon et ses complices, en particulier contre P: Sestius en 57 9, contre M. Tuccius, M. Coelius Rufus16. Cette loi ne crée pas de quaestio spéciale, laisse le délit dans la compétence du préteur urbain, qui nomme, pour présider chaque procès, un quaesitor [JUDICIA PUBLICA, p. 650] ; elle renferme des dispositions défavorables aux accusés pour le choix et la récusation des jurés ; le tribunal' siège même les jours de fêtes ; la procédure est plus rapide que pour les autres affaires". En 52, une loi spéciale de Pompée de vi établit, au sujet du meurtre de Clodius, contre Milon et ses complices, une procédure spéciale 12 [JUm ensuite la loi Julia de vi privata et la loi Julia de vi publica. Il semble bien qu'il y ait eu deux lois, quoique plusieurs textes 13 les réunissent en une seule. Elles paraissent plutôt remonter à César qu'à Auguste; ou, s'il y a eu une loi d'Auguste, elle a été sûrement précédée par une loi de César f4 ; la disposition qui punit la violation de l'appel à l'égard d'un citoyen romain se comprend mieux à la fin de ]a République que sous l'Empire 15 [LEX, p. 1148]. On a fait toutes sortes d'hypothèses sur le sens de la vis publica et de la vis privata, surtout d'après le caractère des peines, plus graves pour la première que pour la seconde t6. On a rattaché la première à la loi d'Auguste sur les judicia publica, la seconde à sa loi sur les judicia privata mais avec peu de vraisemblance, puisque les deux catégories de vis rentrent dans les judicia publica76. L'identification de la vis publica avec la vis armata, et de la vis privata avec la vis simplex, quotidianti, est fausse; la vis publica a dû plutôt se rapporter d'abord aux délits des magistrats, la vis privata à ceux des particuliers mais dans la suite beaucoup de délits de la deuxième catégorie ont été classés dans la première pour leur gravité. Les lois Juliennes ont, en outre, été complétées par des sénatus-consultes f9, des constitutions impériales, par l'interprétation des jurisconsultes ; elles ont été étendues à toute violence engendrant une responsabilité civile ; toute rapina put être punie comme vis 20 l'action de vi privata remplaça l'interdit de vi armata. Les lois Juliennes contenaient d'autre part des règles générales sur la jurisdictio et sur les témoignages dans les procès de vi". La vis publica comprend : les actes de violence, commis avec des bandes et ayant pour but de troubler l'administration de la justice ou les comices électoraux, d'exercer une pression sur les juges 22 ; les abus de pouvoir d'un magistrat qui fait mettre à mort, battre de verges, torturer un citoyen romain, sans tenir compte sous la République de l'appel au peuple, sous l'Empire de l'appel à l'Empereur, ou qui empêche un accusé de se trouver à Rome en temps utile 23 ; les abus de pouvoir d'un fonctionnaire qui lève illégalement des impôts, des pres tations24; l'injure faite à un ambassadeur étranger; la violation de sépulture25; l'enlèvement d'une femme, fille, même esclave, ou d'un garçon 2e [RAPTUS] ; le viol 2'. La vis privata comprend : la sédition sous toutes ses formes, attroupement en armes, soit d'hommes libres, soit d'esclaves, occupation armée d'un lieu public 26 ; l'incendie dans ces mêmes cas, dans une émeute 2" [INCENDIUM] ; la rapina commise en bande 30 ; la détention d'armes non destinées à la chasse ou aux voyages 31; le port d'armes dans les rues et sur les places 32; le trouble ou l'empêchement apporté à une inhumation 33; les coups et blessures infligés à une personne par une bande armée 34 ; la violation des sénatus-consultes, VIS 929 VIT lois et constitutions impériales sur les associations 1 [cour:arum] ; la convention pour exercer une action judiciaire et en partager le profit 2 ; la contrainte pour faire accepter une obligation, pour faire une promesse à un particulier ou à une ville 3 ; la réunion d'une bande pour empêcher la comparution en justice d'un particulier 4 ; le fait de torturer un esclave d'autrui ; la réception d'un condamné en rupture de ban 5 ; la saisie par un créancier, de sa propre autorité, soit de l'objet dû, soit d'un objet de son débiteur comme garantie de sa créances, délit de plus en plus fréquent sous le Bas-Empire et à l'époque barbare (pignoratio) 7; la séquestration d'une personnes ; les exactions des publicains ou de leurs gens' ; la détérioration et l'appropriation du bien d'autrui à l'occasion d'une calamité publique, incendie, naufrage, écroulement"; le même délit à main armée en utilisant ou en provoquant un attroupement" ; les coups et blessures par le moyen d'une bande12; la dépossession violente d'immeubles à main armée 13, délit toujours plus commun sous le Bas-Empire (invasio terrae)14 et que le droit de Justinien fait rentrer dans la vis publica, en le laissant, s'il n'y a pas eu emploi d'armes, dans la vis privatai5 La peine de la loi Plautia est l'aquae et ignis interdictio's ; celle de la loi Julia pour la vis publica est d'abord la même, ensuite la déportation pour les honestiores, la mort pour les humiliores, les esclaves et même, quand il y a eu mort d'homme, pour tous les coupables 17; pour la vis privata, d'abord la confiscation du tiers des biens et la dégradation civique 18, plus tard en outre la relégation pour les honestiores, l'envoi aux mines pour les humiliores, la mort pour les esclaves ". Ces lois excluent la prescription acquisitive à l'égard des objets pris de force 20. Contre la dépossession d'immeubles litigieux, Constantin a établi pendant quelque temps la peine de mort, puis la déportation avec confiscation totale 21. Le droit de Justinien donne l'action criminelle dans tous les cas de dépossession. Sous le Haut-Empire, beaucoup de ces délits rentrent aussi dans d'autres actions ; ainsi la sédition, les illégalités des magistrats, la violation des lois sur les associations dans la MAJESTAS, qui atteint surtout les chefs ; les coups et blessures dans l'INJURIA; le meurtre dans l'noMLcrosuM ; l'incendie dans l'INCENDIUM. D'autre part avec l'actioncrimin elle concourent, selon les cas, l'Interdictum onde vi, qui s'exerça à l'origine après, ultérieurement lx. TUM, p. 562-563] et d'autres actions [METUS, RAPINA] 23